De Praxis à Prospera, quand la Silicon Valley rêve de s’affranchir de l’Etat


Bâtir une Sparte contemporaine rassemblant la fine fleur de l’élite technologique mondiale sur les rivages de la Méditerranée. Une cité-Etat autonome et indépendante, puissante comme la Florence de la Renaissance et riche comme Byzance. Une enclave à fiscalité nulle, régie par les principes du libre marché et gouvernée par un roi-PDG administrant des citoyens-actionnaires, grâce à la blockchain et à l’intelligence artificielle. C’est le projet utopique de la start-up technologique Praxis, fondée à New York en 2020 par les entrepreneurs américains Dryden Brown et Charlie Callinan.

Cette structure, qui revendique le soutien du trublion de l’intelligence artificielle Sam Altman, a déjà levé 19 millions de dollars. Elle compte parmi ses financiers le milliardaire Peter Thiel, cofondateur de PayPal et Palantir, les frères Winklevoss, qui ont connu Marck Zuckerberg à Harvard et fait fortune grâce au bitcoin, mais aussi Samuel Bankman-Fried, le patron déchu de la plate-forme d’échange de cryptomonnaies FTX, par le biais de son fonds d’investissement Alameda Research. S’y ajoute Balaji Srinivasan, figure de la cryptoéconomie passé par la bourse d’échange Coinbase et auteur du livre The Network State, dans lequel il conceptualise la notion d’Etat-réseau. L’idée est d’abolir l’Etat-nation et ses frontières pour faire advenir un futur composé d’un « archipel d’enclaves autonomes hyperconnectées et reliées entre elles (…) dotées d’un leader et d’une cryptomonnaie intégrée ».

Inspiré par les écrits d’Ayn Rand, Balaji Srinivasan fonde son modèle de citoyenneté idéal sur le choix individuel : libre à quiconque de sortir du système pour se mettre en quête du meilleur. La fiscalité de ces enclaves doit être minimale pour inciter l’adhésion puis la libre entreprise. L’administration et la gouvernance sont, elles, déléguées à des infrastructures algorithmiques.

« Tyrannie du gouvernement »

Un délire d’illuminés isolés ? Pas vraiment. Les projets de ce type se multiplient, et attirent les capitaux. En Californie, la très opaque entreprise Flannery Associates vient ainsi d’acquérir près de 22 000 hectares de terres agricoles pour implanter un projet de « ville verte », après une âpre bataille législative. Parmi les investisseurs, le gratin de la Silicon Valley, selon le New York Times : le cofondateur de LinkedIn, Reid Hoffman, l’entrepreneur et investisseur Chris Dixon et Marc Andreessen, de la firme a16z.

Sur son site Internet, le projet Praxis détaille la façon dont serait structurée la cité.

Autre exemple : au Honduras, la start-up Prospera a obtenu l’autorisation des autorités pour s’établir sur les côtes de l’île caribéenne de Roatan. Cette enclave libertarienne offre à ses habitants un cadre de vie idéal, en accord avec les principes du mouvement de la « longévité », une branche du transhumanisme centrée sur le fait de vivre le plus longtemps possible en bonne santé. C’est grâce à l’obtention d’un statut de zone d’emploi et de développement économique spécial, rendu possible par une loi gouvernementale datant de 2013, que la start-up a pu commencer à bâtir un embryon de ville.

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Catégorie article Politique

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